la chute des esprits des ténèbres

Avertissement sévère Rudolf Steiner du 29 septembre 1917 concernant notre époque :

" L'ordre naîtra de ce chaos qui traverse le monde seulement quand l'aurore d'une compréhension anthroposophique des choses gagnera les hommes.
Et si vous deviez ressentir dans vos cœurs que l'ordre sera long à s'établir, parce que vous croyez peut-être que les humains mettront longtemps à faire l'effort nécessaire pour que se lève l'aurore de la Science spirituelle, vous aurez raison.
Vous croirez aussi que pendant longtemps, aucun ordre ne naîtra du chaos.
Car il ne s'établira pas avant qu'une manière de voir les choses conforme à la Science spirituelle ne vienne gagner les cœurs.
Le reste ne sera qu'apparence, le reste ne sera qu'un calme apparent sous lequel s'allumeront constamment des feux nouveaux.
Car l'ordre ne naîtra de ce chaos que lorsque l'on comprendra comment ce chaos est né.
Il est issu d'une manière de saisir la réalité qui ignore l'esprit -_ oui, d'une manière de voir la réalité qui ignore l'esprit.
On peut croire que l'on peut impunément ignorer l'esprit, on peut croire que l'on peut s'adonner dans le monde à des concepts, à des représentations empruntés au seul domaine des sens, on peut le croire -- et c'est ce que croit en général l'humanité d'aujourd'hui.
Mais cela n'est pas vrai -- non! la croyance la plus fausse qu'ait jamais pu entretenir
L’humanité, c'est celle qui consiste -- permettez-moi de m'exprimer familièrement - à penser que les esprits s'accommodent d'être ignorés.
Considérez cela si vous voulez comme l'égoïsme, comme l'amour propre des esprits - dans le monde spirituel, une autre terminologie que celle du monde physique est en usage.
Considérez donc cela comme l'égoïsme des esprits : les esprits se vengent lorsqu'ils sont ignorés ici-bas.
C'est une loi, une nécessité d'airain : les esprits se vengent.
Et parmi les différentes caractéristiques qui s'appliquent au présent, en voici une :
La vengeance des esprits pour avoir été ignorés, c'est l'actuel chaos de l'humanité.
Rappelez-vous ce que j'ai dit souvent, ici et dans d'autres lieux :
Il existe un lien mystérieux entre la conscience humaine et les forces destructrices, les forces de destruction de l'univers.
Oui, ce lien mystérieux entre les forces destructrices de l'univers et la conscience, il existe.
Et il existe de façon telle que l'un peut prendre la place de l'autre soit dans un sens, soit dans l'autre, de la manière suivante.
Supposons qu'il y ait eu un temps, disons dans les dernières vingt ou trente années du XIXe siècle, au cours duquel l'humanité ait recherché le spirituel comme elle a recherché au cours de cette même période le savoir matériel, les activités matérielles
Supposons qu'à la lin du ce XIXe siècle, les hommes aient aspiré à trouver l’expérience intérieure de l'esprit, la connaissance de l'esprit, l'activité spirituelle.
Que ce serait-il passé s'ils avaient cherché a connaître le monde spirituel, et à partir de ce monde spirituel, à donner au monde physique un caractère, une base - au lieu d'avoir, dans les dernières décennies du XIXe siècle, couru de plus en plus, instinctivement, après ce savoir qui célèbre ses plus grands triomphes par la production des instruments de mort, et qui aboutit à l'enrichissement par des biens purement matériels ?
Que serait-il arrivé si l'humanité avait aspiré à acquérir, en vue de l'action sociale, un savoir spirituel, des impulsions spirituelles ?
C'eût été un acte compensatoire aux forces de destruction !
Les humains auraient été plus lucides; les premières décennies du XX e siècle n'auraient pas apporté la destruction, si la conscience avait été plus forte.
Il faut justement que la conscience du spirituel soit plus forte que celle qui s'applique au sensible, à la seule matière.
Si la conscience avait été plus forte au cours des dernières décennies du XIXe siècle, les forces destructrices n'auraient pas eu besoin d'intervenir dans les premières décennies du XXe siècle
Cette situation, on la perçoit le plus intensément, de la façon la plus saisissante, mais aussi, dans la perspective de la théorie de la connaissance, la plus cruelle, lorsqu'on entre en contact avec des défunts qui ont regagné le monde spirituel soit dans les dernières décennies du XIXe siècle, soit dans les premières du XXe siècle.
Beaucoup d'âmes se trouvent parmi eux qui sur cette terre, dans la hâte, l’affairement et les efforts consacrés au domaine matériel, n'ont pas trouvé l'occasion d'éveiller leur conscience par des impulsions spirituelles.
Beaucoup ont passé par le porche de la mort sans avoir seulement pressenti ce que sont les notions, les idées qui évoquent les impulsions spirituelles.
Si sur cette terre, avant que ces âmes aient franchi le seuil de la mort, la possibilité avait existé pour elles d'accueillir un élément spirituel dans leurs représentations, dans leurs concepts, elles l'eussent emporté au-delà de la mort.
C'eût été un apport dont elles avaient besoin après la mort.
Mais elles ne I’ont pas eu.
Celui qui connaît l'histoire de l'esprit, ce qu'on appelle l'histoire de l'esprit des dernières décennies du XIXe siècle et des premières du XXe siècle, sait que l'on ne pouvait même plus employer le mot esprit à bon escient : on l'a appliqué à toutes sortes de choses, mais non pas à ce qui est vraiment l'esprit.
Les âmes n'ont eu aucune possibilité de connaître l'esprit ici-bas.
Il leur faut avoir une compensation.
Maintenant qu'elles ont pénétré dans le inondé spirituel par le porche de la mort, elles ont soif, ces âmes qui ont vécu ici-bas dans le matérialisme.
Et de quoi ont-elles soif?
De forces destructrices dans le monde physique!
Car c'est cela, la compensation.
Ces choses ne peuvent être esquivées à l'aide de notions commodes.
Si l'on veut, dans ce domaine, apprendre à connaître les réalités, il faut cultiver en soi le sentiment de ce que l'on appelait dans les mystères égyptiens la nécessité d'airain.
Si terrible que ce soit, il était très nécessaire que la destruction s'instaure, puisque les êtres qui avaient franchi le porche de la mort avaient soif de forces destructrices dans lesquelles elles pussent vivre, n'ayant pu ici-bas recevoir la compensation des impulsions spirituelles.
L'ordre ne remplacera pas le chaos avant que l'humanité
se soit décidée à pénétrer son âme de vérités aussi graves, et à les rattacher aux idées politiques qui circulent dans le
monde.
Si ces vérités rendent un son pessimiste et que vous
pensiez : comme l'humanité est loin encore de tout ce qui
est exigé aujourdhui! -- vous avez raison.
Mais votre pessimisme justifié, qu'il soit suivi de l'incitation intérieure, de l'incitation lucide à tenter, partout où vous le pouvez, en tout lieu où vous vous trouverez, d'éveiller les âmes, de les guider dans la direction où la Science spirituelle peut envoyer ses impulsions.
Certes, on ne peut pas le faire beaucoup aujourd'hui - il faut cependant s'efforcer honnêtement, sincèrement, d'une manière que l'un ou l'autre puisse comprendre, d'attirer l'attention sur ce fait concret : l'époque moderne a éveillé chez les défunts des besoins que vient satisfaire ce que nous, vivants, connaissons ici-bas, et qui nous fait frissonner.
Lorsqu'on pense combien certains se font la tâche facile lorsqu'ils décrivent dans une perspective ou une autre l'aspect du pays où l'homme pénètre après avoir franchi le porche de la mort, lorsqu'on suit les sermons pleins d'onction -- et maintenant les hommes politiques suivent l'exemple des orateurs d'église -- avec leurs représentations commodes sur le monde spirituel, on peut se faire une idée vivante de la distance qui sépare de la réalité la suffisance des hommes qui aujourd'hui sont des guides.
Lorsqu'on compare les discours de ces dirigeants - qui se distinguent dans la vie par le fait qu'ils sont aussi éloignés que possible de diriger, et qui sont eux-mêmes guidés par toutes sortes de forces inconscientes, sauf par les bonnes -- lorsqu'on compare ces discours avec ce qui est nécessaire pour le présent, on voit combien le moment est grave, infiniment grave.
Un monde suprasensible (supra-sensoriel) touche aux frontières de notre monde physique.
Jamais l'action de ce monde métaphysique tout proche du nôtre n'a été aussi intense qu'à notre époque
Seulement les humains ne s'en aperçoivent pas; pas même
lorsque cette action devient terrible, redoutable, lorsque l'âme en est bouleversée.
Des paroles résonnent aujourd'hui à travers le monde qui ont un caractère si éclairant qu'en fait, des hommes innombrables devraient y prêter l'oreille. "

Dornach 29 septembre 1917
fin de la première conférence du cycle :
La chute des esprits de ténèbres
GA 177