le Noël des Mondes

Ce    quî est  moins     beau en  revanche,     c'est   l'idée
qui   détruit le Christ    en      l'homme Jésus.    Outre   cela,
du    point de   vue   de la plus     haute     conception   chré-
tienne,   elle    n'est  pas vraie.     On dirait   que  la   sage
direction   de   l'humanité     a voulu   tenir     compte de   ce
qui   était nécessaire     pour  faciliter     l'éclosion    d'une
vision     matérialiste   du monde   en  tant  que      condition
préalable     à  une   évolution    de    l'humanité      vers  la
liberté.   Et dans   la    mesure où   le matérialisme      parait
ainsi     nécessaire    pour  la   liberté de      l'humanité,  il fallait que  la  fête   du 6    janvier de      l'apparition  du
Christ,   qui   n'était accessible   qu'à   une    vision   supra-
sensible,   soit     avancée au  25  décembre,        anniversaire
de  la    naissance  de  Jésus.
    Et    ces deux     dates     entourent  les     douze    Nuits
saintes.         L'humanité  refit  en    quelque     sorte    son
chemin      à   travers  le  Zodiaque     en        accomplissant,
symboliquement          tout au     moins, un     douze   avec  le
déplacement      de    cette fête.


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   Il est certes possible aujourd'hui,   compte tenu
de tout ce qui est lié pour nous au Christ à travers
l'homme    Jésus,  de   manifester    à. Noël  toute
l'intériorité, toute la profondeur de cette fête -- et
dans la  -conférence  que j'ai tenue hier, j'ai voulu
exprimer   l'attitude -qu'il convient d'observer au-
jourd'hui  dans    ce  contexte. Mais,  puisque   le
matérialisme   a connu  dans  la théologie son  plus
grand  triomphe,. et puisque  le Christ  Jésus,  aux
yeux   de la théologie éclairée, n'est plus que   ce
modeste   homme    Jésus, il  nous faut   maintenant
retrouver  le chemin  qui   mène à pressentir  l'Eue
christique Suprasensible, extraterrestre.
    Quand  on poursuit pareille conception, on s'attire
justement  l'inimitié des  théologiens  à   tendance
matérialiste. Mais de même   que, sur le plan  maté-
riel, le soleil envoie sa lumière depuis les espaces
cosmiques,  le Christ  descendit chez  les    hommes
comme   un soleil spirituel, pour s'unir à Jésus  de
Nazareth.  De  'même  que l'on voit dans la  physio-
nomie  extérieure  de   l'homme, dans  tes traits de
son visage,  et dans ses mimiques,  l'expression  de
son psycho-spirituel, les mouvements      cosmiques,
les gestes que  dessinent les astres dans .le cosmos,
la chaleur intérieure de l'âme de l'univers qu'exté-
riorise le rayonnement du soleil, tout cela constitue
-la physionomie extérieure du psycho-spirituel  dans
lequel baigne  le monde entier,  Et la concentration
spirituelle que représente la descente du Christ sur
terre a Son pendant  extérieur  physionomique   dans
l'émission des  rayons  solaires concentriques   sur
terre, .C'est ainsi .qu'il faut comprendre cela quand


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on dit que l'Etre solaire christique est descendu sur
terre.
    Et c'est à cette compréhension suprasensible du
Christ que   nous voulons tendre de  nouveau.  Tout
en  gardant cette vénération intime  pour la fête de
la Nativité, pour ce à quoi elle s'est réduite, il fau-
drait  apprendre  à tourner ses pensées vers  cette
autre  naissance, cette naissance extraterrestre qui
s'accomplit   dans  le Baptême-  par  Jean-Baptiste
dans  le Jourdain. Comme   nous avons appris ce qui
se  passa  dans l'étable de- Bethléem, à  Nazareth,
nous   voulons  apprendre à    comprendre le  grand
symbole  historique que représente le Baptême   par
Jean-Baptiste dans  le Jourdain. Nous voulons  con-
naître le   vrai  sens des.. paroles que   rapporte
l'Evangile de saint Luc:  Voici  mon Fils,  Moi au-
jourd'hui, je l'ai engendré. — Nous  voulons tendre
à  la compréhension du Mystère  de la fête de Noël,
de  manière à ce qu'il redevienne pour nous  source
de  compréhension   de l'apparition  du  Christ sur
terre. Nous   voulons  apprendre  à  compléter   la
commémoration    de la naissance   physique, par la
compréhension  de la  naissance spirituelle.
   Ce  n'est  que   progressivement  qu'une   telle
compréhension   pourra -naître, et elle naîtra d'une
approche  spirituelle des  mystères  de  l'univers.
Nous   devons nous  efforcer d'arriver de nouveau à
une   compréhension spirituelle du Mystère du  Gol-
gotha. .Pour ce faire, il est nécessaire de pouvoir.
s'approcher   des impulsions  intervenues  dans  le
cours  de l'histoire terrestre de l'humanité, comme
au IVe siècle de l'ère chrétienne, où, par nécessité


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intérieure, on  avança la  fête de  l'apparition du
Christ, fixée au  6 janvier, au jour de la naissance
de Jésus le 25  décembre. Il faut apprendre à recon-
-naître la sage direction de l'histoire de l'humanité.
On doit apprendre  à s'adonner de tout son être à ce
devenir historique. Alors, on apprendra à reconnaî-
-tre la  sage direction de l'histoire de  l'humanité
sans superstition et sans mêler  son propre  imagi-
naire  à l'histoire. Il faut  apprendre   à ne  pas
seulement se pencher  sur l'histoire avec des idées
abstraites en  ne s'intéressant qu'à la chaîne   de
causes et effets, mais à  s'adonner à  ce  devenir
historique de  tout son être. C'est alors que  l'on
saisira en quoi  l'époque présente est une véritable
période   de transition par laquelle nous    devons
passer de la vision matérialiste actuelle du  monde
à  une élévation vers le suprasensible, conforme  à
la nature de l'homme.   Et cette  élévation vers le
suprasensible se traduira par une nouvelle  compré-
hension   de l'apparition de  Christ  sur terre, du
Mystère du   Golgotha.
   Ainsi  la fête de  Noël se présente-t-elle  sous
deux aspects   à celui qui est vraiment  capable de
comprendre   l'esprit de notre époque. Il y a d'abord
ce qui est apparu dans l'histoire récente, depuis le
IVe siècle de l'ère chrétienne, qui a donné lieu dans
la simplicité à de si belles choses dans le peuple et
qui,  aujourd'hui encore, fait naître  en nous   un
profond    émerveillement quand   nous le    voyons
revivre dans ces jeux populaires que nous  essayons
de recréer en nous inspirant de notre science anthro-
posophique.  Toute  cette  chaleur  humaine   s'est

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déversée dans la  vie durant ces siècles justement
où la conception du christianisme a pris des formes
de plus  en plus matérialistes, pour en arriver au
XIXe   siècle à devoir basculer par sa propre ab-
surdité, et à devoir retourner au spirituel. Et c'est
là que nous avons aujourd'hui le deuxième  aspect
de la fête de Noël: en plus de  ce  sentiment que
nous éprouvons à  l'égard des Noëls traditionnels et
qui est apparu dès le IVe siècle de l'ère chrétienne,
et de cette chaleur que nous voulons partager, nous
devons faire naître à partir de notre  conscience
contemporaine  un   Noël  nouveau;  un   deuxième
Noël doit naître en plus de cet ancien Noël.
   Que le Christ renaisse grâce à l'humanité. Que
la fête de Noël soit traditionnellement la fête de la
naissance de Jésus, et qu'elle soit spirituellement
la fête de la naissance d'une nouvelle conception
du Christ, nouvelle non pas par rapport aux premiers
siècles, mais par rapport aux siècles postérieurs au
IV' siècle! Et qu'ainsi, la fête de Noël ne soit pas
seulement une  fête commémorative    d'une  nais-
sance, mais  une  fête par laquelle  nous  vivons
chaque année la présence directe d'une naissance,
la fête d'un développement présent!  Que la nais-
sance de la nouvelle idée christique s'accomplisse!
Et que la fête de Noël gagne en  elle-même  cette
intensité qui fera que chaque année, en cette pé-
-riode précise, l'homme voie la nécessité de faire
naître une nouvelle idée christique!
   Que cette fête de commémoration   qu'est  Noël
devienne une fête actuelle, une Nuit sainte consa-
crée à cette naissance à laquelle l'homme participe


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dans  son avenir     immédiat! Alors  elle  aura   vraiment
une   incidence   sur  notre   devenir   historique,   elle
s'insinuera  avec     une force     grandissante dans    ce
devenir   de   l'humanité qui  en  a  tant besoin.    Noël,
alors, sera un  Noël  des mondes!

Allocution de Noël

ALLOCUTION DE NOËL


           Hanovre,  26 décembre  1911


  Il est juste de considérer ces douze ou treize nuits (selon ce que l'on compte) comme
le temps de la clairvoyance, où l'on perçoit tout le
chemin  que   l'homme doit parcourir dans ses vies
successives,  d'Adam et Eve  jusqu'au Mystère   du
Golgotha. Cette  idée, que j'ai souvent  exprimée,
en termes  quelque   peu différents, dans  maintes
conférences  sur le mystère  du Christ, j'ai trouvé
intéressant, lors de mon dernier séjour à Oslo l'an
passé, de la voir incarnée avec bonheur  dans  une
légende: la   légende du  « Songe »,  comme     on
l'appelle, qui, chose curieuse, a été mise au jour en
Norvège dans  les dix à quinze dernières années et
s'est répandue dans le peuple, bien qu'elle remonte à
une époque bien  plus ancienne; cette légende nous
raconte à merveille     comment Olaf Asteson   est
pour ainsi dire initié par des forces naturelles: il
s'endort le soir de Noël, dort pendant treize jours
jusqu'au 6 janvier et connaît les affres par lesquelles
l'homme doit passer dans ses vies successives depuis
le    commencement de la terre jusqu'au Mystère du
Golgotha. Lorsqu'il  approche  du  6 janvier, Olaf
Asteson contemple  l'intervention, dans l'humanité,
de l'esprit du Christ, qu'avait précédé celui   de
Michaël.  J'espère que  nous   aurons  l'occasion,
dans les jours qui viennent, de vous présenter  ce
poème  d'Olaf Asteson,  pour que vous voyiez   que


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la conscience  d'une telle clairvoyance en ces treize
jours vit encore, et même    revit aujourd'hui. Nous
n'en  citerons qu'une strophe caractéristique du début:

   Ecoute ma  chanson!
   Je vais chanter le conte
   D'un alerte garçon:
        Or c'était Olaf Âsteson,
        Qui dormit temps si long.
        J'en vais chanter le conte.

   Le soir de Noël,  alla se coucher.
   Dans un lourd sommeil il a sombré;
   Point n'a pu se réveiller
   Avant  le treizième jour:
   Le peuple allait à l'église.
        Or c'était Olaf Âsteson,
        Qui dormit temps si long.
        J'en vais chanter le conte.


Et cela continue  ainsi: il est conduit, dans son rêve
de treize nuits, à travers toutes les épreuves   par
lesquelles l'homme   doit passer par suite de la ten-
tation luciférienne, comme   nous disons.  Le  chant
dépeint de façon  évocatrice comment  Olaf   Âsteson
traverse tous les plans où les hommes éprouvent   ce
que nous  avons   si souvent décrit dans  nos récits
sur le Karnaloka. C'est ainsi que, accompagnant   ce
que  nous appelons   « Le Christ venant en esprit »,
s'ouvrira progressivement    pour  les hommes     la
possibilité de connaître réellement les forces spiri-
tuelles à ('oeuvre dans le monde, de savoir que  les

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fêtes n'ont   pas  été  fixées arbitrairement,   mais   par
cette sagesse      universelle dont   les hommes      n'ont
souvent   pas      conscience, mais    qui  se    manifeste
dans  l'Histoire.  »

la Naissance de Christos

Enfin, tout   ce qui   pénètre l'univers   et qui  existe  en
l'homme est représenté pu le symbole du penta-
-gramme      qui   nous salue  du  haut  du   sapin. Il n'y   a pas
lieu  de       commenter     maintenant le  sens intime     et pro-
fond    du  pentagramme.      Il nous   montre    l'étoile    d'une
humanité    en    devenir. L'étoile   est le symbole     de  l'être
humain,     suivie  par    tous les  sages,  comme      l'ont  fait
jadis  les  Rois  mages.   C'est  le sens  de  la terre, le   grand
Héros     solaire  qui est   né dans   ta   Nuit sainte,   au   mo-
ment    où  la    suprême  lumière   émerge    des     ténèbres les
plus      opaques et se met à    rayonner.
     La  vie de   l'homme     le conduit     vers un   avenir    où
ta    lumière    devra naître   en lui, et   une parole      impor-
tante  devra      être relayée   par     une autre,   il  ne   sera
plus   dit: «les ténèbres ne peuvent  pas comprendre la lumière »   car  la  vérité   retentira     vers l'espace    cosmique,      et l'obscurité    comprendra       cette
lumière qui rayonnera vers nous grâce à cette
étoile   de       l'humanité;  les   ténèbres     fléchiront     et

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commenceront       à comprendre    la lumière,  c'est-à-dire
qu'elles  seront saisies par elle. C'est   cela que  la fête
• de Noël doit faire retentir en nous.   Alors seulement  la
fête  de  Noël  sera célébrée  par nous   dans sa   profonde
signification   antique, car  elle nous  révélera que  c'est
de  l'intérieur   de l'homme    que   doit rayonner   la lu-
mière  spirituelle  pour embraser  le    monde entier.  Nous
pourrons    célébrer cette fête de Noël     comme une   fête
,du plus  haut idéal de  l'humanité.  Elle aura   pour  nous
de   nouveau de  l'importance,   elle   reprendra vie   dans
notre   âme, et  l'arbre de   Noël lui-même,   symbole    de
l'arbre  du Paradis,    retrouvera une   signification  plus
juste  que  celle  qu'on lui accorde     aujourd'hui.   Dans
notre    âme la fête de  la   Nuit sainte  engendrera    une
confiance     pleine de joie: oui, moi  aussi, je   passerai
  par   l'expérience  intérieure que   l'on caractérise,   en
disant  que  cela correspond   à la naissance   de    l'homme
  supérteur, en   moi se   produira également   la  naissance
 du   Sauveur, la naissance  du Christos.