la gnose c'est quoi ?
L159. — La Gnose a fleuri sous sa forme caractéristique à l'ère
de
l'âme sentante ou âme de sensation (de -2907 ans avant JC à -747 avant le mystère du Golgotha).
A cette époque, le «divin» se manifeste à
l'homme comme une réalité
intérieure, spirituelle, tandis qu'à l'époque précédente, celle du corps
sensible, il se manifestait dans les impressions que les sens recevaient
du
monde extérieur.
11.160. — Pendant l'ère de l'âme d'entendement ou de coeur (entre -747 ans avant JC jusqu'à +1413 ans après JC), cette
réalité spirituelle du «divin» ne peut plus être vécue que sous une forme atténuée, pâlie. La Gnose est alors conservée dans des Mystères stric-
tement
fermés, et quand cette garde n'est plus assurée par les hommes,
parce qu'ils ne sont plus à même de vivre aussi intensément dans leur
âme sentante, ce
sont alors des êtres spirituels qui transmettent jusqu'au
Moyen Age sinon le trésor des doctrines gnostiques, du moins le senti-
ment qui s'attachait à' elles. (La légende du Graal en est
un témoignage).
Quant au courant exotérique de la Gnose, qui avait pénétré dans l'âme
d'entendement ou de coeur, il fut extirpé.
111.161, — 1,'anthroposophie ne peut être une rénovation de la
Gnose, car celle-ci était liée à l'épanouissement de l'âme
sentante.
L'Anthroposophie, à la lumière de l'action de Michaël, doit faire surgir
de l'âme de conscience (entre +1413 ans et +3573 ans après JC) une nouvelle façon de comprendre
et le monde et le Christ. La Gnose était un mode de connaissance remontant à des
temps anciens; elle eut le privilège, au temps où apparut le mystère
du
Golgotha, d'en livrer aux hommes la meilleure compréhension.
— 64 —
82 Qui est le Christ?
un événement particulièrement douloureux peut-
être, ou par d'autres épreuves. On ne saurait nier
•
que beaucoup ont connu ce tournant de vie, ce
renouvellement, cet éveil de forces toutes spéciales
dans la vie de l'âme. Certes, c'est là une ébauche
très
élémentaire de ce que la Gnose voyait dans le
baptême du Jourdain. Certes ce baptême signifiait
pour elle quelque chose d'un tout autre niveau que
ce qui se passe dans l'âme humaine
sous l'effet des
épreuves. Il marquait l'irruption de quelque chose
d'entièrement nouveau: non pas ce qui, sinon,
fait irruption dans l'âme humaine sous l'effet dus
épreuves
de la vie, mais de quelque chose qui,
jusque-là, n'avait encore jamais été associé à une
existence humaine depuis le début de l'évolution.
Ce
qui se lève ainsi dans l'âme de Jésus de
Nazareth, cet élément absolument nouveau, qui en
tant qu'intériorité de Jésus de Nazareth, rayonne d,
cette vie
qui projette une lumière nouvelle sur toute
la culture à venir, ce qui insuffle une telle vie dans
l'intériorité de Jésus de Nazareth, c'est cela que 1
Gnose nommait le Christ. Mais ce Christ,
la Gnose
savait bien qu'on ne pouvait pas chercher à identi
fier avec un être humain extérieur, parce qu'il était
encore un être intérieur bien particulier, présent dans
un homme
extérieur. Il était clair, pour les gnostiques, qu'une toute nouvelle impulsion faisait alors
son apparition dans l'humanité. Jésus de Nazareth
était devenu porteur, pour les trois années qui
allaient
suivre le baptême dans le Jourdain, d'une entité qui
n'avait encore jamais été liée à l'évolution.
Le Christ et le x» siècle 83
En prenant pour comparaison le revirement
qui peut se produire dans une âme humaine, nous
avons
pu approcher ce que les anciens gnostiques
se représentaient au sujet du Christ. Mais ce qui
sera plus difficile à saisir pour nos contemporains,
c'est qu'à cet événement se rattache quelque chose
d'une
importance historique si grande, d'une
signification si fondamentale, qu'on peut y voir le
centre de gravité de toute l'évolution humaine.
Quelle que soit l'idée que l'on se fait de la
réalité, on peut dire que cette conception gnos-
tique donne du Christ une idée magnifique,
grandiose, mais elle implique également une
idée
tout aussi grandiose de l'homme. Car elle le
considère comme parcourant une évolution au
sein de laquelle une impulsion du monde spiri-
tuel intervient directement. Il ne faut
donc pas
s'étonner si cette conception de la Gnose n'a pas
pu devenir populaire. Qui connaît un tant soit
peu les circonstances dans lesquelles on vivait
aux premiers siècles du christianisme,
l'état des
âmes, les conditions de la vie sociale, compren-
dra qu'une conception d'une telle élévation n'a
pu devenir populaire. Pour s'en convaincre, il
n'est qu'à
regarder la vie spirituelle d'aujourd'hui.
Lorsqu'en effet on parle de cette conception des
gnostiques, la plupart des gens disent : C'est une
abstraction, un rêve audacieux, mais à nous, les
hommes, il nous
faut du concret, quelque chose
qui soit proche de nous, et surtout en rapport
avec la vie pratique.
84 Qui est le Christ?
Une «abstraction», voilà ce qu'est encore aujour-
d'hui, pour les gens, la vision des gnostiques que
nous avons tenté de caractériser. On est encore
aujourd'hui
bien loin de sentir combien plus
nourrissantes et plus concrètes sont les représen-
tations spirituelles vers lesquelles peut s'élever
l'esprit que ce qu'on appelle la réalité concrète
et
tangible. Si ce n'était pas le cas, les gens ne cher-
cheraient pas, même dans l'art, ce que les yeux
voient, ce que les mains touchent, en repoussant
comme autant d'abstractions
ce vers quoi il faut
s'élever par l'esprit, par l'effort intérieur.
Il n'est évidemment pas possible d'exposer,
ne fût-ce qu'en traits rudimentaires, ce qu'est
devenue l'idée du Christ dans la représenta-
fion populaire. Les hommes se sont attachés à
l'image du bon Jésus né dans
des circonstances
merveilleuses, allant vers les hommes de façon si
aimable, Sauveur plein d'amour pour toute l'hu-
manité. Mais il faut le dire, à côté de tous les sen-
timents
envers ce Sauveur de l'humanité, un écho
a toujours subsisté à travers les siècles, un écho de
l'idée du «Christ », cette entité qui a pris corps,
qui s'est incarnée
en Jésus de Nazareth. L'histoire
extérieure a gardé le récit de la vie de Jésus, mais à
côté, des esprits ont continué d'élever leur regard
• vers un grand, un prodigieux
mystère, le mystère
qui, à l'époque où Jésus de Nazareth vécut sur
terre, fit se manifester dans cette personnalité un
réalité surhumaine.
Et c'est cette réalité surhu-
maine qu'on appelait le Christ.
Le Christ et le x» siècle
85
À mesure que les temps modernes appro-
chaient, il devint de plus en plus difficile de sai-
sir l'idée hardie de ce Christ qu'avait conçue
la
Gnose. Dès le Moyen Âge, les érudits n'osaient
plus parler que du monde extérieur, de ce que
perçoivent les sens et des lois naturelles conce-
vables derrière le monde visible. La science, par
contre, ne se sentait pas appelée à sonder com-
ment les intentions les plus hautes de l'esprit
ont agi dans l'évolution
de l'humanité. Ce qui
concerne l'origine de l'homme, sa finalité, la part
que prend l'impulsion du Christ à son évolution,
tout cela devint, pour la conception qu'on se fai-
sait au Moyen Âge, réservé au domaine de la foi.
La foi et la connaissance expérimentale qui doit se
cantonner aux choses matérielles furent désormais
séparées.
Il serait intéressant de montrer comment s'est
réalisée à partir du )(vie siècle cette « double comp-
tabilité » : la connaissance se cantonnant à l'étude
de la nature physique, alors que les origines et les
fins dernières ne devaient plus relever que de la foi.
Aujourd'hui rappelons seulement qu'au xixe
siècle la tendance générale
est de laisser de côté
du moins pour la grande masse des hommes
toute idée véritable du Christ. Évidemment, des
cercles restreints
ont conservé quelque chose des
anciennes idées gnostiques, qui leur donne encore
une compréhension profonde de l'impulsion du
Christ. Mais dans la plupart des milieux, et
jusque
chez les théologiens, on a renoncé, dès le xpc.
78 Qui est le Christ?
avec les
réponses que donne la science de l'esprit,
qui rattache les origines de l'homme à des formes
non physiques, non matérielles, mais d'essence
spirituelle.
Cette
distorsion entre les habitudes de pensée
et les faits établis par la science n'apparaît nulle
part aussi clairement qu'à l'égard de la question du
Christ. Ainsi, depuis que l'impulsion chrétienne
est entrée dans l'Histoire, chaque époque s'est fait
de l'entité du Christ une image conforme à ce que
cette époque, ou tout au moins ceux qui s'occupent
de la question, pouvaient se représenter.
Dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, le
courant d'idées qu'on appelle la Gnose s'est fait de
l'entité du Christ une conception grandiose, impo-
sante. Mais cette
conception des gnostiques n'a pu
se maintenir que relativement peu de temps face
aux représentations du Christ que l'on peut qua-
lifier de « populaires », qui furent ensuite adoptées
par l'Église.
Il est très fructueux d'esquisser en quelques
mots ces grandes idées que la Gnose s'était faite
du Christ aux premiers siècles chrétiens
; bieu
que les enseignements de la science de l'esprit ne
coïncident nullement avec les conceptions gnos-
tiques, contrairement à ce que prétendent ceux
que l'immaturité
de leur jugement rend totale-
ment incapables de distinguer les choses de la vie
spirituelle. La science moderne de l'esprit, dont
nous voulons ce soir, même brièvement,
expo-
ser les conceptions, dépasse sur bien des points
Le Christ et le A9e siècle 79
ce
que la Gnose des premiers siècles chrétiens a
produit. Mais il n'en est peut-être que plus inté-
ressant de dire quelques mots sur les idées gnos-
tiques. En fait, la Gnose n'adopte pas
qu'un seul
point de vue, elle connaît des nuances diverses.
Nous nous attachons à exposer celle de ses vues
qui se rapproche le plus de ce que la science de
l'esprit a à dire aujourd'hui.
Comparée à tout ce que le christianisme des
premiers siècles pouvait offrir, la Gnose avait de
l'entité du Christ la conception la plus profonde.
Pour elle, l'entité
du Christ est un être éternel, lié
non seulement à toute l'évolution de l'humanité,
mais aussi à toute celle du monde et du Cosmos.
En étudiant l'origine de l'homme,
nous avons
dû remonter jusqu'à une forme humaine qui
planait encore tout entière dans les hauteurs spi-
rituelles, qui n'avait pas encore revêtu un corps
matériel, extérieur, qui ne s'était pas encore
incarnée. Tout d'abord pure forme spirituelle,
l'homme est descendu peu à peu du monde spi-
rituel, et s'est alors matérialisé pour devenir cette
entité densifiée qu'il est aujourd'hui.
La pensée matérialiste a pris l'habitude de voir
l'évolution en remontant,
à partir de l'homme,
jusqu'à des formes animales extérieures, tandis
que la science de l'esprit remonte à des formes
d'existence de plus en plus psychospirituelles, et
parvient
enfin à une origine spirituelle pure. Dans
cette région où l'être humain planait avant d'avoir
pris une existence matérielle, dans cette région où
80
Qui est le Christ?
il se sentait vivant au milieu d'entités et d'événe-
ments spirituels, c'est là que déjà l'ancienne Gnose
cherchait l'entité du Christ.
Si
nous voulons comprendre l'ancienne Gnose
de façon juste, nous devons dire que, pour elle,
l'homme est passé par des étapes de création : son
être psychospirituel
a revêtu peu à peu une enve-
loppe corporelle pour venir un jour prendre place
dans la ligne d'évolution matérielle. Mais pen-
dant ce temps le Christ, tel un
vieux compagnon
pourrait-on dire, est resté présent dans les mondes
spirituels purs. Pour la Gnose donc, l'être humain
parcourt une évolution dans le monde matériel,
et c'est dans ce domaine que ses progrès s'accom-
plissent. Mais l'entité du Christ, elle, reste dans
les régions de l'esprit pur; si bien qu'aux époques
qui appartiennent déjà
à l'Histoire, elle ne peut
être recherchée sur le plan physique, sensible, où
l'homme a pris pied. Elle ne se trouve que dans le
monde purement spirituel.
Eentité
du Christ a quitté les mondes spirituels
où elle avait comme suspendu sa propre évolution,
alors que l'homme était déjà descendu depuis long-
temps dans le monde matériel,
et elle a pénétré dans
le monde physique, sensible, pour que son impulsion
s'y exerce. La Gnose voyait donc en l'homme, encore
aux époques originelles de l'humanité, une entité spi-
rituelle liée au monde dans lequel agissait le Christ.
Puis au début de notre ère, elle vit le Christ descendre
dans le monde où l'homme avait depuis longtemps
déjà entrepris
son évolution matérielle.
Le Christ et le xx, siècle 81
Ici une
question s'impose: comment la Gnose
se représentait-elle cette descente d'une entité pure-
ment spirituelle dans l'évolution humaine ?
La Gnose concevait
celui que l'Histoire
nomme Jésus de Nazareth comme un être humain
particulièrement évolué et assez mûr pour qu'à un
certain moment
son être intérieur remplisse les
conditions qui lui permettent d'accueillir direc-
tement en son âme ce que jusque-là les hommes
n'avaient pas pu recevoir
directement du monde
spirituel. La Gnose parle de ce moment où l'âme
d'un élu put se sentir prête à accueillir en elle
l'entité qui jusqu'alors n'avait
pas été unie à l'évo-
lution humaine : le Christ. La Gnose vit alors dans
la Bible la description de cette irruption de l'entité
du Christ dans l'évolution de l'humanité lors
de
cet événement — même si aujourd'hui on le qua-
lifie de symbolique ou autre — du baptême dans le
Jourdain. Elle enseignait que lors de ce baptême,
il
s'est passé pour Jésus de Nazareth un événement
exceptionnel, qu'on peut comprendre en songeant
à ce qui suit.
Quand on observe la vie de certaines personnes
en
profondeur — non pas avec les habitudes de pen-
sée actuelles, mais avec un regard qui peut mener
loin dans la connaissance des âmes —, on rencontre
des instants, des heures marquantes où elles
se sen-
tent comme à un tournant de leur vie, et où elles
peuvent se dire: Comparé à ce que j'ai vécu et
appris jusqu'à présent, je me sens
comme un être
nouveau. Ce tournant, elles y sont parvenues par
et l'esprit c'est quoi ?
224
LE PARDON
. Théosophie, T 1976, 5e éd., EAR 1989 :
« L'esprit rayonne dans le
Je et vit en lui, qui est son «enveloppe» (...) Cet esprit qui modèle
un «moi» et vit en tant que «Je», nous l'appellerons «soi-esprit»,
parce qu'il apparaît comme le «moi» ou le «soi» de l'homme. » Et
plus loin « Le soi-esprit est une révélation du monde spirituel au
sein du Je. » Ces mots ont trait avant tout à l'action du soi-esprit
pendant l'incarnation actuelle de la
Terre, où ses forces ne peuvent
apparaître en l'homme qu'en tant que révélation d'en haut. Mais
cette « révélation du soi-esprit» n'a rien d'abstrait
: elle est liée à
la pénétration concrète de sa substance dans le Je. De plus, le mot
« révélation» montre que le soi-esprit, à ce stade,
n'est pas encore
la propriété de l'homme, que son Je n'en est pas encore totalement
imprégné, comme ce sera le cas sur Jupiter, et que le Je humain
n'est
qu'« adombré d'en haut », son être véritable restant encore
dans le monde spirituel (cf. Les trois rencontres de l'âme humaine,
3e conférence, EAR 1985).
On peut aussi caractériser ce processus en reprenant les termes de
Rudolf Steiner, lorsqu'il décrit la descente du soi-esprit à la sixième
époque : «
Ainsi, lorsqu'au cours de la sixième époque le soi-esprit
pénétrera les hommes, il y aura là réellement un Soleil spirituel vers
lequel tous tendront et en qui tous s'accorderont
(...) Elle sera très
importante, cette sixième époque; car une sagesse universelle y fera
régner paix et fraternité. Paix et fraternité, parce que, alors, pour
tout être humain parvenu à un degré normal d'évolution et non
plus seulement pour quelques élus, le soi supérieur descendra en
l'homme,
d'abord sous sa forme inférieure, le soi-esprit ou Manas
[les formes supérieures étant l'esprit de vie et l'homme-esprit]. Un
lien s'établira entre le Je humain qui se sera formé
graduellement
et le Je supérieur, le Je qui unifie. Nous pouvons appeler cela des
noces spirituelles — c'est le nom qu'on a toujours donné, dans l'ésoté-
risme chrétien,
à l'union du Je humain avec le Manas ou soi-esprit
(L'Évangile selon Jean, 10e conférence, T 1998, 6e éd.)
21. Sur la parenté intérieure de l'Esprit saint avec le principe humain
du soi-esprit, voir par exemple la conférence du 25 mars 1907
(GA 96).
22. Le Christ et l'âme humaine, 4e conférence, T 1991, 2e éd.